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Le « Natural Content », un nouveau standard pour les marques ?

Après le développement du Brand Content, l'apparition du Content Marketing, celle du Snacking Content et le renouveau du Slow Content, un nouveau standard prend son essor pendant le confinement : le Natural Content.
Publié le : 10 juin 2020

Les réseaux sociaux ont évidemment initié l’UGC (user generated content) depuis plus d’une décennie mais ce que nous vivons, notamment accéléré par la crise sanitaire, c’est l’avènement du « Natural Content ». Un contenu vidéo sans fioriture parfois sans montage et tourné en vidéo selfie.

Depuis cinq ans, quelques opérateurs techniques ont créé des applications qui permettent à des salariés d’une entreprise de réaliser à moindre frais des interviews ou des reportages. Seul le montage est affiné par des équipes techniques. Le premier usage étant d’alimenter les flux audiovisuels des dispositifs de communication interne. De leur côté, les consommateurs et citoyens publient sur les réseaux des vidéos issues de captations assez basiques ou de véritables productions.

Mais, ces dernières semaines nous ont fait basculer dans une nouvelle ère. Les médias télévisuels, ne pouvant plus déplacer d’équipes techniques aussi facilement, ont multiplié les duplex avec leurs invités. Si dans certains cas, il y a un effort sur le décor, nous découvrons la vie réelle ou l’intimité des intervenants. De l’agriculteur en plein champ téléphone en main au consultant devant sa bibliothèque, désormais tout est possible.

L’interview « robe de chambre »

Le propos et le fond étant aujourd’hui plus important que le décor et l’habillage graphique, les interventions vidéos sont souvent tournées dans un cadre personnel ou naturel selon l’envie de montrer son « chez soi ». Les concubins, les enfants ou encore les animaux sont parfois les figurants volontaires ou involontaires de ces productions. La qualité d’image et du son subissent celle du débit d’Internet et les coupures font parties du format. Le direct était déjà un standard pour la télévision, quelques marques et des personnalités, il est en train de devenir une référence pour le plus grand nombre. Chacun veut être témoin et reporteur.

Pour celles et ceux qui s’enregistrent pour poster sur les réseaux, nous retrouvons une production presque à l’ancienne : une extrême simplification avec des montages « cut » ou aucun montage, des sorties de champs impromptues, des micro-fictions avec trois bouts de ficelles… Même les stars la jouent sans fard. Il s’agit de contenus du quotidien qui ont parfois qu’une faible valeur ; si ce n’est celle d’alimenter le flux permanent ou demain celle plus anthropologique pour nous enseigner sur la manière dont nous aurons vécu cette période.

La visio pour le boulot et l’apéro

Désormais outil de distanciation sociale, la visioconférence a quitté son cadre strictement professionnel. Souvent utilisée entre deux lieux « métiers », elle a vu son usage s’étendre avec des interventions à distance dues au télétravail instauré dans certaines entreprises. La crise provoquant de nouvelles modalités relationnelles, la visioconférence s’est développée dans notre quotidien y compris dans des secteurs qui la pratiquaient peu et dans notre vie privée. Empêchés de nous réunir physiquement, nous compensons par ces rencontres par écrans interposés. Que ce soit pour nos fêtes familiales ou pour un apéro entre amis, la visio devient un standard.

Le tuto à tout va

Parmi les thèmes préférés, les tutoriels cuisine ou sport. Ils étaient très déjà recherchés. Leur consommation a explosé avec le confinement. De la pâtisserie aux abdominaux en béton en passant par la coupe de cheveux maison, les grands artisans comme les particuliers ne sont pas avares de recettes et de bons conseils. Les premiers se retrouvent comme les seconds à tourner leurs vidéos dans des conditions rudimentaires.

Ce côté simple ajoute à l’empathie et apporte de la fraicheur dans ce monde confiné. Il est fort à parier que la vidéo sera désormais le format le plus simple à réaliser en tout cas plus que la production d’écrits. Avec le Natural Content, nous supportons l’à peu près, les contre-jours, des voix décalées. Nous avions vécu précédemment une explosion des flux vidéos permise par la progression de la qualité des réseaux et le suréquipement des foyers, une nouvelle étape va donc être franchie avec ce contenu « très nature ».

Mais attention, la production exponentielle de vidéos mais aussi leur consommation ont un impact majeur en matière d’énergie et de production de CO2. Internet émet autant de CO2 que le trafic aérien mondial ! 5% des émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui, 7% d’ici à 2025. Bref, la situation actuelle ne nous pousse pas à la sobriété numérique et dans le monde du « green IT ».

Dans les agences de communication, après le fameux « faites-moi un format à la Brut » ou le « trouvez-moi un truc comme Konbini », nous aurons certainement « enregistrez la visio, ça suffira ». Ce n’est pas grave en soi, cela impose de réfléchir parfois plus simplement et plus rapidement au contenu, de revoir certaines interfaces mais aussi de penser le beau, l’élégant et le sophistiqué quand tout le monde en aura soupé de l’intimité domestique de l’autre.

Matthieu Butel

Directeur des stratégies éditoriales chez Makheia & Big Youth

butel@makheia.com